jueves, 22 de octubre de 2009

Nancy, J.-L., Conloquium

CONLOQUIUM
Jean-Luc Nancy




Au titre de ce livre je réponds par un autre titre latin : c'est après tout la langue la plus commune entre un Italien et un Français - et nous nous tenons ici ensemble dans l'espace du commun. C'est aussi le choix de cette langue qui permet à Roberto Esposito de s'écarter principiellement du mot de "communauté" (ou de "comunità"), et de tenir ainsi à l'écart les tentations de facilité de pensée ou les risques de mésinterprétation que ce mot répand insidieusement autour de lui, comme on a pu s'en instruire depuis un certain temps.
Je réponds par ce mot de conloquium,, dont je choisis la forme la plus classique, celle de César ou de Cicéron (conloquia amicorum absentium : tels sont tous les écrits[1]), pour éviter la résonance académique et affairiste du mot "colloque" et dans le dessein d'indiquer que si je tiens ici la place du préfacier, ce n'est pas pour introduire un livre, ou à un livre, qui comme tout livre de bon aloi ne se présente que de lui-même : mais c'est pour continuer, avec Esposito et à travers lui avec quelques autres, un échange (une communicatio, un commercium, un commentarium[2]) déjà ancien mais pas pour autant vieilli, et auquel nous sommes nécessairement intéressés - j'entends ces mots en leurs sens les plus forts, puisqu'il ne s'agit pas d'autre chose que de nous (tous) et de ce qu'il en est entre nous.

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Communitas déploie le mouvement d'un travail en cours depuis au moins une quinzaine d'années : je parle non seulement du propre travail de Roberto Esposito, dont les étapes, marquées par plusieurs autres livres[3], jalonnent une même voie jusqu'à aujourd'hui, mais de tout un travail commun (nommons-le ainsi, très vite et par provision) consacré d'abord en Europe (singulièrement en Italie et en France), puis ailleurs de par le monde (et sur le "monde"…) à la question dite de la "communauté" (ou bien encore, et comme ces travaux ont incité à le dire plus souvent, de l'"être-en-commun" ou de l'"être-ensemble").
Si je dis que Roberto Esposito déploie ce travail, ce n'est certes pas pour signifier qu'il l'accomplit et qu'il l'achève. Bien loin de là, il va contribuer à le relancer à nouveaux frais. Mais il fait voir, par l'ampleur des références que son livre mobilise, toute l'amplitude d'une tâche de pensée qui s'est en somme imposée à nous (tous) dans les dernières décennies. Il s'est agi, simultanément, de relire autrement certains moments décisifs de notre tradition (entre autres, Rousseau, Hegel, Marx, Husserl, Heidegger, Arendt, Bataille, que l'on va tous retrouver ici) et de s'engager sur des modes divers, concordants et discordants, dans la pensée de ce que devient notre existence en commun (autant dire notre existence tout court).
Ce travail de pensée s'est imposé par un motif terrible, que l'histoire de notre siècle (puisque c'est le nôtre) ne cesse de nous tendre, au point que son rappel est aussi lassant qu'il est inévitable : au nom de la communauté, l'humanité - mais tout d'abord en Europe - a fait la preuve d'une capacité insoupçonnée à se détruire. Elle a donné cette preuve simultanément dans l'ordre de la quantité - mais à un degré où les termes d'"extermination" ou de "destruction de masse" convertissent les nombres en absolus ou en infinis -, et dans l'ordre de l'idée ou de la valeur - puisque c'est de l'"homme" lui-même qu'elle a déchiré la nervure fragile, après tout si récente et dont le prix tenait aussi à la fragilité.
De fait, la communauté des hommes s'était livrée à elle-même, se déliant du lien religieux qui lui avait donné d'ailleurs sa consistance (hiérarchique, hiératique et transie de peur) et s'ouvrant une histoire de l'autoproduction, nécessairement commune, de l'humanité tant générique que singulière. Mais tout s'est passé comme si l'histoire ne pouvait s'attendre elle-même, comme si elle ne pouvait différer la production de la figure à venir et se hâtait d'en frapper la médaille, comme celle d'un prototype déjà donné, d'un symbole disponible pour fixer la commune mesure.
Que l'œuvre de mort - dérobant en fait la mort elle-même, sa dignité, dans l'anéantissement - se soit faite au nom de la communauté - ici celle d'un peuple ou d'une race autoconsitué(e), là celle d'une humanité autotravaillée[4] - , c'est bien ce qui a mis fin à toute possibilité de se reposer sur quelque donné que ce soit de l'être commun (sang, substance, filiation, essence, origine, nature, consécration, élection, identité organique ou mystique). C'est même, en vérité, ce qui a mis fin à la possibilité de penser un être commun selon quelque modèle que ce soit d'un "être" en général. L'être-en-commun par-delà l'être pensé comme identité, comme état et comme sujet, l'être-en-commun affectant l'être même au plus profond de sa texture ontologique, telle fut la tâche mise au jour.

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Comme nous ne le savons que trop, le recours effrayant au donné d'une communauté ne cesse pas de déchaîner des massacres qui semblent comme organisés à l'intérieur d'un ordre mondial dont les effets de droit, lorsqu'ils ne sont pas simplement impuissants, peuvent valoir à juste titre comme les effets pervers d'une domination sans figure qui joue les unes contre les autres les supposées identités.
Ce que révèle ainsi une actualité accablante - Bosnie, Kosovo, Congo, Timor, Tchétchénie, Pakistan, Afghanistan, Irlande, Corse, violences intercommunautaires en Inde, Indonésie, Afrique, etc. - c'est que nous avons été incapables de démanteler ou de décourager les recours aux essences communautaires, et que nous les avons plutôt exacerbés : les intensités communautaires qui avaient leurs régimes et leurs distinctions, nous les avons portées à l'incandescence par l'effet d'indistinction d'un processus mondial où la généralité infinie semble emporter toute coexistence définie. Ce qui signifie que nous n'avons pas encore pu saisir ou inventer, de l'être-en-commun, une constitution et une articulation décidément autres.
C'est l'exigence ainsi créée qui a mis en branle le travail dont je parle, travail commun, assurément, c'est-à-dire en rien collectif (encore que les interactions, les échanges aient été nombreux depuis des années, comme on peut le suivre à travers le réseau dense des renvois que fait ici Esposito, et auquel on pourrait encore ajouter), mais travail imposé à nous tous ensemble (sans que nous sachions au juste ce qu'est l'"ensemble" pensant d'une "époque") d'avoir à nous soucier de la possibilité d'être, précisément, ensemble et de dire "nous", au moment où cette possibilité paraît s'évanouir tantôt dans un "on", tantôt dans un "je" aussi anonymes et monstrueux l'un que l'autre, et en vérité complètement intriqués l'un dans l'autre.

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Comment dire "nous" autrement que comme un "on" (= tous et personne) et autrement que comme un "je" (= une seule personne, ce qui est encore personne…) Comment donc être en commun sans faire ce que toute la tradition (mais après tout récente, c'est-à-dire tributaire de l'Occident qui s'achève en se répandant) appelle une communauté (un corps d'identité, une intensité de propriété, une intimité de nature) ?

Il est évident que nous sommes ensemble (faute de quoi il n'y aurait personne pour lire ceci, qui ne serait pas non plus écrit, encore moins publié et ainsi communiqué). Il est évident que nous existons indissociables de notre société, si l'on entend par là non pas nos organisations ni nos institutions, mais notre sociation, qui est bien plus et surtout bien autre chose qu'une association (un contrat, une convention, un groupement, un collectif ou une collection) : mais une condition coexistante qui nous est coessentielle. Il est même évident que lorsque je dis : "nous existons indissociables de notre société" -, cette proposition est encore en cela très insuffisante, qu'elle dissocie en fait "nous" d'un côté (où chacun s'entend à part) et la "société" de l'autre côté, alors qu'il s'agit précisément d'énoncer que l'un ne va pas sans l'autre, en aucune façon. Il est donc évident qu'il y a pour nous une profonde hésitation sémantique et pragmatique dans l'énonciation d'un "nous" (instantanément atomisé ou au contraire agglutiné…).
Et pourtant, il n'en reste pas moins, sous-jacente, plus ou moins latente et sourde, une évidence de notre être-ensemble, une évidence nôtre et qui précède toute autre évidence autant que l'existence sociale de Descartes précède logiquement et chronologiquement la possibilité de l'énonciation d'ego sum - lequel, en s'énonçant, s'énonce d'ailleurs au moins à un autre (au moins à un autre en lui que lui-même…), et si bien, peut-on dire, que tout ego sum est un ego cum. (ou mecum, ou nobiscum). Cela est évident t cela nous est évident.
Mais peut-être cette évidence n'est-elle jamais aussi présente ni aussi bien connue que lorsque nous n'y pensons pas, ainsi que pour Descartes c'était le cas de l'union de l'âme et du corps, que nous connaissons parfaitement par l'existence quotidienne et sans avoir à la montrer, encore moins, bien sûr, à la démontrer. Nous sommes ensemble et c'est là seulement, ou ainsi, que nous pouvons dire "je" : je ne dirais pas "je" si j'étais seul (autre version : nous ne dirions pas "je" si nous étions seul(s)…), car si j'étais seul je n'aurais rien dont il y aurait lieu de me distinguer. Si je me distingue - si nous nous distinguons - c'est que nous sommes à plusieurs : par quoi il faudrait entendre "être à plusieurs" avec valeur distributive et en même temps avec la même valeur que dans "être au monde".

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Si je me distingue, c'est d'avec les autres[5]. D'avec est en français une expression remarquable : on se sépare de ou d'avec quelqu'un, comme on discerne le bien d'avec le mal, c'est-à-dire qu'on s'écarte d'une proximité mais que cet écart suppose la proximité dans laquelle, en définitive, l'écartement ou la distinction a encore lieu. Il y a une proximité de la proximité et de l'écartement. Avec, de manière générale, se prête à marquer toutes sortes de proximités[6] complexes, mobiles, et loin de se réduire à la seule juxtaposition (qui par elle-même n'est sans doute déjà pas indifférente) : causer avec, se marier avec, divorcer avec, se fâcher avec, comparer avec, s'identifier avec, jouer avec (qui a plus d'un seul sens), dîner avec (et l'on peut dîner avec quelqu'un tout en dînant avec un risotto…), se lever avec l'aube, oublier avec le temps. C'est toujours une proximité, non seulement de côtoiement mais d'action réciproque, d'échange, de rapport ou tout au moins d'exposition mutuelle. Ce n'est pas pure concomitance : si je dis "avec la tombée du jour viennent d'autres pensées", ce n'est pas la même chose que si je dis "à la tombée du jour viennent d'autres pensées". L'allemand mit et l'anglais with , bien que d'autre provenance, ont des caractéristiques semblables et qui appartenaient déjà en grande partie au latin cum[7] .
Le cum est ce qui lie (si c'est un lien) ou ce qui joint (si c'est un joint, un joug, un attelage) le munus du communis dont Esposito a si bien repéré et développé la logique ou la charge sémantique (c'est le ressort de tout le livre) : le partage d'une charge, d'un devoir ou d'une tâche, et non la communauté d'une substance. L'être-en-commun est défini et constitué par une charge, et en dernière analyse il n'est en charge de rien d'autre que du cum lui-même. Nous sommes en charge de notre avec, c'est-à-dire de nous. Cela ne signifie pas qu'il faut se presser d'y entendre quelque chose comme "responsabilité de la communauté" (ou "cité", ou "peuple", etc.) : cela signifie que nous avons à charge, à tâche - mais autant dire "à vivre" et "à être" - l'avec - ou l'entre - dans lequel nous avons notre existence, c'est-à-dire à la fois notre lieu ou notre milieu et cela à quoi et par quoi nous existons au sens fort, c'est-à-dire nous sommes exposés.
Cum est un exposant : il nous met les uns devant les autres, il nous livre les uns aux autres, il nous risque les uns contre les autres et tous ensemble il nous livre à ce qu'Esposito (le bien nommé) nomme pour finir "l'expérience" : laquelle n'est autre que celle d'être avec…

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Cum met ensemble ou fait ensemble, mais ce n'est ni un mélangeur, ni un assembleur, ni un accordeur, ni un collecteur. C'est un égard, comme cela se marque lorsque "avec" signifie aussi "à l'égard de" : "être bien/mal avec quelqu'un", "être/ ne pas être en paix avec soi-même". Cet égard (qui peut être aussi un envers - "disposé envers quelqu'un" - un être-tourné-vers) est une prise en compte, une observation, une considération (mais en un sens qui n'est pas nécessairement de déférence), c'est un regard d'attention ou d'intérêt, de surveillance aussi, voire de méfiance ou de circonspection, ou encore d'inspection, mais il peut être aussi de simple enregistrement : moins qu'une prise en compte, une prise en note, un avoir-à-faire-avec (ce passant que je croise, par exemple).
Il ne faut surtout pas magnifier l'être-ensemble (c'est un des effets discrètement pervers du travail récent sur la communauté, qu'il a ravivé ici ou là une certaine emphase chrétienne et humaniste sur le "partage", l'"échange", "autrui" : mais c'est aussi ce qui conduit précisément Esposito à souhaiter nous immuniser (nous décharger) vis-à-vis des pensées communautaires ou communautaristes). C'est une condition avant d'être une valeur (ou une contre-valeur), et si ce doit être une valeur, ce ne peut être qu'au sens de ce qui ne s'évalue pas, de ce qui passe toute évaluation. La question, en revanche, qui nous est posée est celle de penser cette condition autrement que comme dérivée à partir d'un sujet, qu'il soit individuel ou collectif, et de ne penser au contraire aucun "sujet" qu'à partir d'elle et en elle. Etre-ensemble n'est pas un ensemble d'être-sujets et n'est pas non plus lui-même un sujet : ce qui veut dire qu'il ne se revient pas à soi, bien qu'il n'aille pas ailleurs.
Cela demande de penser sans doute, comme Esposito y invite, que l'"avec" n'est rien : nulle substance et nul en-soi-pour-soi. Toutefois ce "rien" n'est pas exactement rien : c'est quelque chose qui n'est pas une chose au sens d'un "posé-présent-quelque part". Il n'est pas en un lieu, puisqu'il est bien plutôt le lieu lui-même : la capacité que quelque chose, ou plutôt quelques choses, et quelques-uns, y soient, c'est-à-dire s'y trouvent les unes avec les autres ou entre elles - l'avec ou l'entre n'étant précisément pas autre chose que le lieu lui-même, le milieu ou le monde d'existence.
Un tel lieu se nomme le sens. Etre-avec c'est faire du sens, c'est être dans le sens ou selon le sens - ce "sens" n'étant en rien un vecteur orienté vers l'épiphanie d'une signification, mais la circulation de la proximité dans son écartement propre, et de l'écartement dans sa proximité : le renvoi ou le rebond de proche en proche par lequel un monde fait un monde, autre chose qu'un tas ou qu'un point nul. Le "rien" du sens n'est pas plus un non-sens (simple revers d'une signification épiphanique) qu'il n'est une suressence posée sur le mode d'une théologie négative : il n'indique pas un néant mystique, mais simplement l'ex qui fait l'exposition de l'existence. Non pas rien = aucune chose, mais rien = la chose même du passage et du partage, entre nous, de nous à nous, du monde au monde.
Ainsi le Mitsein ou mieux le Mitdasein dont Heidegger a éludé ou évidé l'analyse (Esposito en parle) ne devrait-il pas être compris comme un "être là avec" (dans la pièce, dans le train, dans la vie), mais comme un être-avec da, c'est-à-dire dans l'ouvert, toujours donc ailleurs, en un sens (et conformément à ce qu'en pense Etre et temps). L'être modalisé mit-da - son unique modalisation, peut-être, mais en même temps indéfiniment plurielle - ce n'est rien d'autre que l'être partageant ou se partageant selon le da, qui s'efforce de désigner l'"ouvert" - l'"ouvert" de l'ex-posé. En sorte qu'être-avec est la même chose qu'être-l'ouvert (Dasein - être ouvert, assurément, être exposé, mais en étant l'ouverture même, ou l'exposition, selon ce qu'on pourrait donner comme axiome général de cette pensée : être "soi" c'est s'exposer, c'est ex-poser "soi"). Mitdasein serait donc une sorte de bégaiement ou de tautologie de la pensée (recelant tout ce qui nous est difficile à penser) : être-avec ou être-ouvert ou être-ouvrant ou être-tout-court. Ou bien encore (qu'on me pardonne d'insister lourdement) être ouvert à l'avec mais en étant avec (dans) l'ouvert. Mais en tous les cas, un avec qui n'est autre que l'effet d'un ouvert, et un ouvert qui n'est autre que l'effet d'un avec. Et enfin : un ouvert/avec qui ne s'ajoute pas à l'"être", qui ne le prédique pas, mais qui en est au contraire le "sujet" (sujet sans substance ou sans support : sans autre support qu'un rapport). C'est-à-dire encore : un ouvert/avec qui affecte l'"être", qui l'ouvre lui-même ou qui fait son ouverture : celle d'une circulation de sens.
Mais ici encore il faudra sans cesse se méfier des résonances pieuses de l'"ouvert", tout comme de celles de la "communauté". "Ouvert" n'est pas simplement ni d'abord générosité, largeur d'accueil et largesse de don : mais c'est principiellement la condition de coexistence de singularités finies, entre lesquelles - le long, au bord, sur les limites, entre "dehors" et "dedans" - circule indéfiniment la possibilité de sens.


Jean-Luc Nancy, septembre 1999.
[1] In Marcum Antonium orationes Philippicae, 2,7.
[2] Une mise en commun, un échange de biens, une concentration de pensée(s)…
[3] Tout particulièrement, Categorie d'ell'Impolitico, Il Mulino, 1988.
[4] Il ne faut pourtant pas non plus cesser de souligner la dissymétrie entre les fascismes, qui procèdent d'une affirmation sur l'essence de la communauté, et les communismes, qui prononcent la communauté comme praxis et non comme substance : cela fait une différence qu'aucune mauvaise foi ne peut supprimer - ce qui n'est pas une raison pour oublier les chiffres des victimes…(ni les propositions substantialistes, communautaristes et racistes, dissimulées ici et là dans le communisme dit "réel").
[5] Les autres ne sont d'ailleurs pas seulement les autres hommes, mais les autres étants en général. Il y a une philosophie de la nature - si on peut encore la nommer ainsi - qui reste à faire, de fond en comble, comme une philosophie de la coexistence. Certains y pensent (par exemple, Marianne Thomat travaille un doctorat dans ce sens).
[6] Le mot vient de apud hoc, près de cela, et ses premières formes étaient avoec, avaic, avuec.
[7] On les retrouve dans une partie des valeurs du grec meta (d'où on dérive parfois le mit allemand, et dont le premier sens est plutôt "au milieu", "entre" - "entre nous" est encore une expression qui donne à penser -, tandis que d'autres valeurs se retrouvent dans sun, lequel permet précisément xuô, toucher (frotter, racler, gratter) - et dans l'"avec" il y a du contact ou du moins une proximité ou une virtualité de contact (mais le contact lui-même est déjà de l'ordre du proche/écarté, de l'écartement qui reste au cœur du proche). Quant à koinos ("commun" en grec : cf. plus loin, chez Esposito, la koinonia d'Aristote), ou bien on le rattache au co- occidental en général (auquel on rattache aussi parfois le préfixe germanique ge-, à valeur conjonctive ou collective, qu'on trouve entre autres dans gemein -[où mein, en revanche, n'est pas apparenté à munus]) - ou bien au grec homérique keiôn, "fendant, partageant". Toujours il y a conjonction et disjonction, disconjonction, réunion avec division, proche avec lointain, concordia discors et insociable sociabilité… Cette disconjonction est notre problème depuis au moins Rousseau : Esposito y insiste.

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